Objectifs :
– (Re)prendre confiance en ses capacités de mémorisation
– Comprendre ce que veut dire "mémoriser" et quels sont les grands principes qui président au fonctionnement de la mémoire
– S'approprier une technique de travail qui favorise la réactivation des informations
Activités :
1) Activité n°1 : Il arrive fréquemment que les élèves en difficulté scolaire aient comme acquis la conviction qu'ils n'étaient pas doués pour mémoriser des informations, et que quoiqu'ils fassent, aucun progrès sur ce plan n'était envisageable.
Cette première activité vise à leur faire prendre conscience de ce que l'on nomme le syndrôme "d'impuissance acquise".
Visionnez tout d'abord cette vidéo ("L'impuissance acquise" sur Youtube). Une enseignante propose à ses élèves de réaliser une courte expérience pour les amener à prendre conscience du vécu de découragement que l'on éprouve lorsque l'on échoue plusieurs fois à réaliser une tâche, tout particulièrement dans un environnement où d'autres semblent trouver cette même tâche facile.
Vous pouvez soit montrer cette vidéo à votre groupe d'élèves pour en discuter ensuite avec eux : qu'en pensent-ils? Ont-il déjà vécu cela ? A quelle occasion ?
Vous pouvez également mettre en place la même expérience avec vos élèves en utilisant les anagrammes suivants :
1) Maire (aimer)
2) Juste (sujet)
3) Parisien (aspirine)
Deuxième liste :
1) Stylo
2) Requin
3) Parisien (aspirine)
Prendre conscience qu'avoir confiance en soi dans le cadre d'un processus d'apprentissage est essentiel. Il faut se sentir capable de réussir pour s'engager pleinement dans l'activité. C'est sûrement l'une des caractéristiques majeures des élèves qui persévèrent dans l'effort par rapport à ceux qui se résignent rapidement suite à un échec ou une difficulté.
Prendre conscience que le sentiment d'impuissance "s'apprend" et se renforce avec l'expérience de l'échec conduit également à envisager qu'elle peut être "désapprise". C'est le projet de cette activité de mettre ce fait en évidence.
2) Activité n°2 : Dans le cadre de la deuxième activité, vous pouvez proposer à vos élèves de se soumettre au test de reconnaissance des doubles photographiques (voir les outils d'accompagnement individuel). L'objectif principal de cette activité est également d'amener les élèves à reprendre confiance en leurs capacités de mémorisation.
3) Activité n°3 : La troisième activité consiste à expérimenter de quelle façon certaines stratégies d'apprentissage permettent d'exploiter les grands principes du fonctionnement de la mémoire avec efficacité.
A l'aide du diaporama disponible dans la section "outils", proposez à vos élèves de se soumettre à une série de trois tests. Ceux-ci ont pour objectif de leur faire découvrir comment mémoriser efficacement différentes catégories d'informations.
Premier test : mémoriser le plus de mots possible dans la liste ci-dessous en une minute trente.
Avant de demander aux élèves de noter par écrit tous les mots dont ils se souviennent, il est nécessaire de "vider leur mémoire de travail". La mémoire de travail correspond aux informations que l'on peut garder simultanément à l'esprit pour réfléchir ou prendre un décision. Le psychologue George Miller a mis en évidence qu'elle était limitée (7 éléments, plus ou moins deux éléments) et peu persistante dans le temps.
Les élèves qui ont mémorisé les mots en se les répétant en boucle dans leur tête (= boucle phonologique) vont se trouver déstabilisés par cet exercice. Pour lister dix films, ils vont devoir utiliser leur mémoire de travail pour autre chose que se répéter les mots de la première liste.
Ensuite, vous leur demandez de noter à l'écrit les mots dont ils se souviennent et d'en faire le compte. Notez au tableau le score réalisé par chacun. Vous pourrez ensuite le comparer avec le score obtenu lors des tests suivants.
Certains élèves vont évidemment obtenir de meilleurs résultats que les autres. Il s'agira alors de mener ce qu'Antoine de La Garanderie, enseignant et pédagogue, a nommé un "dialogue pédagogique". L'objectif est d'amener les élèves à prendre conscience des stratégies mentales qu'ils ont employées pour mémoriser :
– Certains ont utilisé la "boucle phonologique", en se répétant les mots dans leur tête le plus de fois possible.
– D'autres ont associé les mots deux par deux, ou trois par trois (= principe d'agrégation). Si la mémoire de travail est limitée à 7 éléments (plus ou mois deux éléments), associer les informations entre elles permet de diminuer le nombre d'éléments (un "chien jaune" correspond à un élément, alors que "chien" et "jaune" correspondra à deux éléments).
– D'autres encore ont peut-être déjà utilisé des procédés mnémotechniques particuliers : transformer les mots en images et les associer dans le cadre d'un "tableau mental" ou inventer une histoire. Ces stratégies permettent de déjouer les limites de la mémoire de travail en exploitant judicieusement certains grands principes du fonctionnement de la mémoire : associer les informations, les agréger, les situer dans l'espace, les contextualiser. Tous ces "gestes mentaux" permettent d'inscrire plus profondément et pour plus longtemps les informations dans la mémoire.
Deuxième test : vous proposez une nouvelle liste de 21 mots à mémoriser, mais cette fois-ci en demandant aux élèves d'inventer une histoire dans leur tête qui va leur permettre d'associer les mots entre eux. Proposez-leur également de transformer autant que possible les mots en images dans leur esprit, les information de nature visuelle étant plus mémorables que les autres.
Après leur avoir proposé un nouvel exercice pour "vider leur mémoire de travail", comptabilisez les scores et inscrivez-les sous les scores obtenus lors du premier test. La plupart des élèves auront mémorisé davantage de mots en utilisant cette technique.
Inventer une histoire oblige les élèves à donner du sens aux informations en les évoquant dans leur tête. Cela les contraint également à créer des liens logiques entre les informations et à les ordonner. Ces gestes mentaux sont essentiels pour stocker efficacement les informations.
Il s'agit d'amener les élèves à prendre conscience de ces mécanismes, afin de les mettre en oeuvre ensuite de manière consciente lorsqu'ils seront face à un contenu à mémoriser dans le cadre scolaire.
Il est également possible que certains élèves ne soient pas parvenus à améliorer leur score. Inventer une histoire demande de la concentration et suppose également quelques compétences en matière d'imagination, ce qui n'est pas facile pour tout le monde. Mais ce n'est pas grave, car le troisième test permet de mobiliser d'autres compétences.
Troisième test : vous proposez une troisième liste de 21 mots à mémoriser en une minute trente aux élèves. Cette fois-ci, ils doivent créer des catégories et sous-catégories pour associer les mots entre eux par paquet. Ce procédé vise à organiser les informations en les agrégeant. Elle conduit également les élèves à évoquer et donner du sens aux informations, ainsi qu'à structurer leurs liens logiques avant de les mémoriser.
Vous pouvez proposer la correction suivante au moment du comptage des scores :
Certains élèves sont plus à l'aise lorsqu'il s'agit de mobiliser leur intelligence logique-mathématique (= créer des catégories) que leurs compétences en matière de créativité.
De nouveau, échangez avec eux pour identifier quelle est la stratégie qui les a mis le plus à l'aise et qui semble pour eux la plus efficace.
Il s'agit ensuite de faire la synthèse de ce que ces exercices permettent de comprendre en ce qui concerne le fonctionnement de la mémoire :
Comment transférer ces enseignements à la mémorisation des informations demandée dans le cadre scolaire ?
Comment évoquer les informations, leur donner du sens, identifier les informations-clés d'un contenu et les liens logiques qui les organisent, les structurer et les localiser ?
– Inventer une histoire à partir d'un contenu est une première piste.
– Organiser les informations d'une liste en créant des catégories.
– Réaliser un schéma ou un dessin (transformer les informations en images).
Voici une introduction au sketchnoting sur Youtube. Elle est en anglais, mais vous pouvez faire apparaître les sous-titres. Il s'agit d'une technique de prise de notes ou de réalisation de fiches de révision qui vise à transformer les informations en images/symboles/dessins et à mettre en évidence les liens logiques qui organisent les informations d'un contenu.
Vous pouvez également découvrir les cartes mentales ou schémas heuristiques dans cette vidéo. Il s'agit également d'une technique de représentation des informations qui exploitent différents grands principes du fonctionnement de la mémoire.
Ces stratégies de travail sont efficaces parce qu'elles engagent les élèves à opérer consciemment certaines opérations mentales qui permettent d'exploiter judicieusement le fonctionnement de la mémoire.
4) Activité n°4 : Le principe du fonctionnement de la mémoire le plus important à prendre en compte reste le principe de réactivation : si nous ne (re)mobilisons pas les savoirs et savoir-faire que nous apprenons, nous sommes condamnés à les oublier.
La deuxième activité proposée dans le cadre des outils d'accompagnement individuel peut être également mise en place avec un groupe, en introduisant quelques modifications afin d'exploiter l'intérêt d'être à plusieurs et de collaborer dans le cadre d'un apprentissage.
Proposez aux élèves de constituer individuellement une série de 8 flash cards à partir d'un contenu que vous aurez choisi.
Demandez ensuite à chacun d'échanger son paquet de cartes avec un autre élève et d'évaluer les cartes réalisées en fonction des critères suivants :
– Quelle est la nature des cartes réalisées ? Question/réponse, mot en langue étrangère/traduction, théorème/formule et conditions d'application, terme/définition, date/évènement…
– Les informations sont-elles correctes ? L'élève vérifie dans le contenu de référence.
– Les informations sélectionnées par l'élève qui a réalisé les cartes sont-elles les informations-clés du contenu de référence ? Oui, non, pourquoi ?
Les élèves échangent ensuite avec leur binôme pour porter un regard critique sur le travail réalisé, puis le fruit de cet échange donne lieu à un débat en grand groupe : quelles sont les différents types de flash cards que l'on peut réaliser (les lister) ? Quelles ont été les erreurs dénichées dans les cartes ? Comment et pourquoi les traquer ? Comment sélectionner les informations-clés d'un contenu ?
Vous pouvez également leur demander de se regrouper par 3 ou 4, de mettre leurs cartes en commun, et de sélectionner les 12 cartes qui leur paraissent le mieux mettre en évidence le contenu de référence : dans le cadre d'un contrôle de connaissance, quelles sont les cartes qui leur permettraient de mémoriser le plus efficacement les informations nécessaires à l'évaluation ?
Vous pouvez organiser cette activité avant un contrôle pour apprendre aux élèves à se servir de cette technique pour réviser et mesurer de quelle façon ils réalisent (ou non) les actions qui vont leur permettrent de préparer leurs évaluations de manière efficace.
5) Activité n°5 : La mémorisation d'un savoir-faire (ex : rédiger un paragraphe argumentatif, accorder le participe passé d'un verbe dans une phrase au passé composé, utiliser un théorème pour résoudre un problème de géométrie…) requiert une technique souvent plus élaborée qu'une flash card.
Les cartes recto-verso permettent de réactiver facilement et régulièrement des informations (ce qui est essentiel pour inscrire progressivement les informations dans la mémoire à long terme), mais elles sont difficiles à exploiter lorsqu'il s'agit de mémoriser une démarche de résolution de problème qui comprend plusieurs étapes ou qui nécessite d'avoir organisé les informations dans son esprit avant de les mobiliser.
Voici une activité qui permet de mettre ce principe en évidence avec vos élèves.
Demandez-leur de mémoriser en une minute les deux phrases suivantes en leur indiquant que vous les testerez ensuite en les soumettant à une série de questions : Amed est le père de Darnel et de Louis. Darnel est le père de Rémy.
Demandez-leur ensuite d'indiquer si les 10 phrases suivantes sont justes ou fausses :
– Louis est le fils de Darnel
– Louis est le père d'Amed
– Rémy est le frère de Darnel
– Darnel est le père de Rémy
– Louis est le frère de Darnel
– Amed est le père de Louis
– Rémy est le fils de Louis
– Rémy est le frère de Louis
– Rémy est le fils d'Amed
– Rémy est le père de Darnel
Il est possible de mémoriser des informations de manière superficielle, sans leur donner du sens et sans les organiser dans sa tête. Si la technique de mémorisation utilisée s'appuie essentiellement sur la mémoire de travail (répétition des informations en boucle plusieurs fois), l'élève aura finalement mobilisé bien peu de ressources pour apprendre, et il n'aura exploité que très peu les grands principes qui gouvernent le fonctionnement de la mémoire.
C'est ce qui se passe également lorsque l'on "apprend" son cours uniquement en le relisant. Il est possible de lire un texte sans évoquer les informations (évoquer = se les redire dans sa tête ou chercher à les visualiser pour leur donner du sens, identifier les liens logiques qui les associent entre elles et la structure globale qui les organisent). Lors d'une évaluation, nous serons alors capables de restituer tel quel des phrases apprises par coeur, mais pas de les réexpliquer avec nos propres mots, ni de les expliquer pour résoudre un problème.
Mémoriser, c'est mettre en réserve des informations en prévision d'une réutilisation ultérieure. Il est bien plus facile et pertinent de stocker lorsque l'on sait à quoi va nous servir ce que l'on stocke.
Dans le cadre de l'activité présente, les élèves qui seront le mieux à même de répondre aux questions sont ceux qui auront structuré les informations sous la forme d'un arbre généalogique. Ils auront organisé les informations et mis en évidence la structure des liens qui les organisent. C'est en réalisant la même opération avec leurs contenus de cours qu'ils pourront réfléchir efficacement face à un problème. Mais nous reviendrons sur ce point dans le cadre des activités du module "comment comprendre mes cours ?".
Vous pouvez vous appuyer sur la métaphore de l'armoire à vêtements pour transmettre ces notions à vos élèves.
Imaginons que les informations qui leur sont transmises à l'école sont des vêtements qu'on leur demande de stocker et ensuite de porter. Chaque matin, ils doivent s'habiller pour sortir. S'ils n'ont procédé à aucun rangement de leurs vêtements, ils vont se retrouver face à une pile informe dans laquelle ils vont devoir chercher.
La pile sera peut-être peu importante (s'ils n'ont fait aucun effort de mémorisation).
Elle sera peut-être importante (s'ils ont passé un temps conséquent à mémoriser des informations).
Pour autant, la façon dont ils auront organisé leurs connaissances avant de les mémoriser prendra ici toute son importance. Sans effort d'organisation, ils prendront sûrement les vêtements du haut de la pile, peu importe s'ils sont adaptés ou non (ils calculeront sans avoir pris le temps de comprendre le problème en mathématiques ou noteront sur leur copie tout ce qu'ils savent en Histoire, sans chercher à savoir si cela répond à la question posée). Ce n'est qu'une fois dehors qu'ils s'apercevront si le jean et le pull qu'ils portent convient pour le mariage de leur soeur auquel ils doivent justement se rendre ce jour-là…
Il est donc important d'organiser son armoire ET d'avoir quelques informations sur la journée qui s'annonce : quelles sont les conditions météo ? Quelles sont les activités prévues ?
Si j'ai une bonne appréciation de ce qui m'attend, je vais être en mesure d'identifier ce que je cherche.
Si mes vêtements sont en plus bien rangés dans mon armoire, je vais gagner du temps pour (re)trouver ce dont j'ai besoin.
Ce sont ces différentes étapes (anticiper la réutilisation, donner du sens, sélectionner, organiser et réactiver) qui sont synthétisées dans le schéma ci-dessous :
La dernière étape avec le groupe consistera à partager les méthodes de travail utilisées par les uns et les autres et d'évaluer ensemble si elles conduisent ou non à réaliser ces différentes opérations mentales. Il s'agit d'inviter les élèves à adopter une posture critique vis-à-vis des stratégies qu'ils emploient, afin de les améliorer le cas échéant.
Contenus théoriques :
L'ouvrage qui m'a été le plus profitable pour comprendre le fonctionnement de la mémoire est Aventures au coeur de la mémoire, L'art et la science de se souvenir de tout de Joshua Foer. J'ai par ailleurs travaillé à faire le lien entre ces enseignements et des techniques de travail concrètes dans le cadre de mon livre Objectif mémoire. Vous pouvez cliquer sur les images pour accéder à un long résumé (pour le premier) et une présentation détaillée (pour le deuxième).
Outil :